QIAN CHUI BAI LIAN KUNG-FU

QIAN CHUI BAI LIAN KUNG-FU

 

Le Larousse définit l'art martial comme « un ensemble de sports de combats d'origine japonaise et plus généralement asiatique… ». On notera une première erreur flagrante qui consiste à utiliser le terme « sport » pour qualifier ces pratiques multi-séculaires, alors que l'on sait que la notion moderne du « sport » n'est ancienne que de deux siècles. En effet, si le terme « sport » est originaire du vieux français « desport » qui qualifiait les loisirs et les activités de passe-temps au quatorzième siècle, c'est son passage dans la langue anglaise qui lui donne son sens actuel depuis le 18e siècle. En aucun cas, donc, la définition de l'art martial, ne saurait se contenter du terme sport sans pêcher par anachronisme.

De plus, on peut se demander si la singularité des arts martiaux est simplement dûe au fait d'être pratiquée en Asie ; cela sous-entendrait qu'il n'existe pas d'arts martiaux en Afrique, Europe, Océanie ou Amérique. Nous allons tenter d'éclaircir ce point en proposant une définition acceptable pour les arts martiaux.

Les Arts Martiaux : Définition

Tous les êtres humains, depuis l'aube de l'humanité et sous toutes les latitudes ont été confrontés aux mêmes problèmes de base à savoir : se nourrir, se vêtir, se déplacer, s'abriter, se chauffer et se défendre. Malgré des différences de milieu, Leurs réponses ont été sensiblement les mêmes. Dès que l'homme décide d'utiliser les ressources de son corps pour se battre et qu'il finit par privilégier certains coups plutôt que d'autres et qu'il commence à élaborer une technique de combat.

Mais comme le souligne Kim Min-ho « ces procédés viennent des comportements instinctifs des animaux et ne nécessitent pas d'entraînement spécial… Les arts martiaux ne sont pas en effet des productions naturelles. Ils sont constamment attachés au contexte géographique, ethnique, morphologique, culturel, philosophique, religieux, politique, militaire et économique. Ils sont donc le produit d'une culture. »

Dans le prologue de « 2001 l'odyssée de l'espace », Stanley Kubrick montre, non sans un certain désenchantement, comment l'Humanité vient aux grands singes dès lors qu'ils utilisent une arme pour dominer leurs semblables. Et, pour ce qui nous concerne c'est le phénomène inverse que l'on observe dans le monde des arts martiaux puisque ce sont les progrès de l'Homme et de sa culture qui ont engendré la complexification des techniques d'attaque et de défense pour les élever progressivement au rang d'arts martiaux. Mais faisons d'abord une première précision quant au terme « art martial ». Il apparaît en France dans la toute fin des années cinquante et vient de l'anglicisme « martial arts » qui permettait aux Anglais de désigner les différents arts de combats présentés sous leurs yeux colonisateurs par les Japonais, alors dominés par l'Europe. Le terme fut employé par Jigoro Kano lui-même, le créateur du judo, dans un discours qu'il prononça en anglais en 1903. C'est donc dans l'étymologie que l'on trouve les raisons pour expliquer que ce terme fut d'abord associé aux pratiques japonaises. En effet les pratiques chinoises, pour leur part, ne furent pas assimilées par les occidentaux comme étant comparables à celles des japonais. Ainsi les premières démonstrations publiques chinoises hors de leurs frontières, comme celles de l'équipe de Chine aux jeux olympiques de Berlin en 1936, n'attirèrent pas le terme classificateur européen de « martial arts ». Le manque d'organisation militaire y étant, peut-être, à cette époque, aussi pour quelque chose.

Essayons de reprendre nos données. Les arts martiaux ne peuvent se contenter d'une définition sportive (même si les compétitions actuelles tendraient à prouver le contraire). En outre, si le terme est anglais et servait surtout à désigner des pratiques japonaises rien ne nous empêche de l'utiliser pour d'autres aires géographiques et culturelles. C'est dans la culture d'origine de chaque art martial qu'il convient donc de trouver la spécificité de chaque pratique et de débusquer les accointances intimes qui existent entre les différentes sphères culturelles telles que les mondes religieux, économiques, militaires, philosophiques…

Nous allons faire un détour par la Chine afin de rendre compte d'une réalité inhérente aux arts martiaux asiatiques en général.

L'art martial se dit « Wu Shu » en chinois et un détour par l'étymologie s'impose pour comprendre les reliefs du terme, à fortiori dans une langue de type idéographique.

 

Observons de plus près les idéogrammes Wu Shu :

 

 

武術

 

 

 

L'idéogramme Wu, est formé de deux idéogrammes, respectivement « lancer » et « stopper ». Quant à l'idéogramme Shu, il est composé d'un caractère représentant des grains de riz glutineux séparés par une main experte, ainsi que d'un caractère signifiant « tout ce qui fonctionne efficacement ». Par tradition, le caractère Wu vient désigner ce qui a trait au monde des armes et de la guerre. Mais sa signification profonde parle de l'arrêt des armes et par extension de l'arrêt de la violence. Le caractère Shu vient, quant à lui, désigner les compétences et les habiletés et s'associe toutes sortes d'idéogrammes comme la science XUE SHU, la grammaire, SHU FA ou l'érudition RU SHU.

Ainsi par un curieux jeu de sens le Wu Shu est-il : l'art et la manière efficace de faire cesser le combat.

Dernière information importante, si les chinois ont dans leurs traditions des combattants mythiques et des guerriers historiques, ils n'ont pas d'équivalent  religieux pour « Mars » le dieu de la guerre qui a donné sons sens au terme martial.

En conséquence, l'efficacité de l'art martial chinois ne se calcule pas à l'aune du nombre de morts qu'il peut provoquer, mais plutôt en fonction du nombre de vies qu'il peut épargner ou conserver le plus longtemps possible. Pour ce faire, tous les moyens sont bons, combats, techniques énergétiques de longévité, entretien du corps… On retrouve là, des préoccupations philosophiques chères aux spiritualités asiatiques qui ont pris part à l'élaboration du Wu Shu dans son entier, c'est-à-dire le Taoïsme et le Bouddhisme. Même si les arts martiaux s'enracinent dans le monde guerrier, c'est toute la perspective spirituelle du combat qui à présidé à leur naissance comme nous le verrons plus loin.

De plus en plus de pratiquants confirmés insistent d'ailleurs lourdement sur la différence qui doit être faite entre les arts martiaux et les sports et techniques de combat ? Pour eux la dimension spirituelle et culturelle est inhérente aux arts martiaux, ce qui les place, d'emblée, dans un au-delà du combat.

Il est nécessaire d'insister aussi sur le fait qu'avec armes ou à mains nues les arts martiaux sont avant tout des techniques du corps codifiées dans un système d'enseignement qui laisse la part belle à toutes les formes de connaissances sur le corps telle que la médecine traditionnelle, la symbolique taoïste et bouddhiste,  les notions de méridiens, d'énergie ou de points vitaux. Nous pouvons maintenant nous essayer à une définition anthropologique personnelle de l'art martial : Techniques du corps essentiellement asiatiques, à vocation guerrière et prenant en compte les différentes dimensions culturelles de l'homme et du corps pour donner sens et efficacité à la pratique.

Dans le monde occidental moderne, les conditions culturelles qui ont rendus nécessaire la création des arts martiaux en Asie, nous sont particulièrement étrangères. La question que l'on peut se poser est alors : pourquoi pratiquer un art détaché de ses contingences culturelles, et si cela se fait quelle forme prendra-t-il et quels seront ses effets ? Nous pensons que les futurs instructeurs se doivent de s'interroger sur le sens de leur pratique car nous sommes intimement convaincus que la pratique martiale a un sens même en France, même en temps de paix, même à l'heure moderne du virtuel et du TGV . Dans cet esprit nous proposerons dans un premier temps des pistes de réflexion et dans un secont mieux. Pourtant les difficultés se sont déplacées. Le recours constant aux médicaments et antidépresseurs nous rappelle que l'individu reste fragile et compte sur un supplément chimique pour affronter le monde qui l'entoure. On peut émettre l'hypothèse que les arts martnd temps une liste de quelques ouvrages qui, loin de circonscrire la question, étayent et étoffent tous les sujets  actuelles sur les arts martiaux.

Les pistes que nous proposons ne sont que des directions faiblement argumentées. Comme une multitude de chemins sombres, elles peuvent être explorées (ce qui vous appartient entièrement), mais cela doit se faire sans aucune certitude d'y trouver de réponse au bout. Par ailleurs, cette liste est non exhaustive, elle peut être complétée des interrogations de chacun.

L'art martial pour l'esprit du combat. Le monde moderne est un monde de consommation. L'occidental (relativement) riche (même si chacun de ses pairs ne connaît pas la richesse), n'a plus besoin du recours au combat pour assurer sa survie, et cela est tant mieux. Pourtant les difficultés se sont déplacées. Le recours constant aux médicaments et antidépresseurs nous rappelle que l'individu reste fragile et compte sur un supplément chimique pour affronter le monde qui l'entoure. On peut émettre l'hypothèse que les arts martiaux développent un esprit sainement positif qui convie l'indidividu à puiser dans ses ressources propres afin de faire face et de mener à bien tous les petits combats quotidiens de la vie moderne.

L'art martial comme découverte de l'autre. Les pays asiatiques sont longtemps restés quasiment inconnus de nos cultures. Si des rapports commerciaux avaient lieu, le nombre impressionnant d'intermédiaires a toujours empêché l'occident de connaître l'autre moitié du monde. Il en résulte que nos cultures se sont construites pendant des siècles sans jamais vraiment se rencontrer. La richesse de ces pôles culturels, ne fait maintenant plus aucun doute, comme le Yin et le Yang, l'occident et l'orient font partie du même monde. Dans cet esprit, la pratique d'un art martial qui plonge ses racines dans une Asie séculaire, ne peut être que bénéfique pour apprendre à connaître l'autre qui vit en face autant que l'autre qui vit en nous.

L'art guerres et les fléaux ne nous atteignent plus réellement, la violence reste une donnée non négligeable de la nature humaine et le monde moderne connaît aussi ses heures et ses places sombres ou la violence surgit, dénuée de sens et de contrôle. Il est fort probable qumartial comme pratique du corps total. Que ce soit sur les affiches ou au cinéma, les corps sont de plus en plus beaux et en bonne santé ! Pourtant, si les espérances de vie s'allongent de plus en plus, l'homme moderne sollicite de moins en moins ce qui est pourtant sa part la plus visible dans le monde, c'est-à-dire son corps. L'individu est de plus en plus aidé dans ses déplacements, la médecine est omniprésente dans l'esprit des Français qui pensent de plus en plus qu'il existe une pilule pour chaque mal de la terre. La chirurgie esthétique est en passe de se banaliser, l'homme occidental moderne perd peu à peu le contact avec son propre corps. Il est très probable qu'elle puisse avoir un intérêt croissant dans les années à venir…

L'art martial et la violence. Nous avons vu dans la définition que l'art martial n'est aucunement une apologie de la violence, mais plutôt un moyen de contrôle de celle-ci. Si les guerres et les fléaux ne nous atteignent plus vraiment la violence reste une donnée non négligeable de la nature humaine et le monde moderne connaît aussi ses heures et ses places sombres où la violence surgit. Dénué de sens et de contrôle il est fort probable, que la violence soit un comportement très complexe auquel nous pourrions sans doute avoir recours dans certaines circonstances. Aussi, la pratique martiale intervient-t-elle de plein droit dans le débat actuel. Une pratique qui permet à la fois de se défendre et de se contrôler, est peut-être une solution intéressante aux problèmes de violence…

L'art martial et le respect. Les arts martiaux ont été traditionnellement des vecteurs pour les valeurs morales qui étaient transmises en même temps que l'apprentissage des techniques. L'individu moderne en quête de repères est souvent dépourvu face aux sollicitations morales du quotidien, mais cela est encore plus vrai chez  l'adolescent et chez l'enfant. Sans tomber dans la pratique morale et religieuse, les arts martiaux possèdent encore dans leur fond philosophique des règles simples et primordiales qui gagnent à être diffusées. Les notions de respect, de courage et d'engagement ne sont pas les moindres et peuvent être des leviers importants pour la conduite de la vie de chacun…

Ces pistes sont donc lancées, il vous appartient de les discuter, de les critiquer autant que d'en trouver d'autres. Nous allons maintenant proposer vous proposer des lectures, pour ceux qui souhaiteraient approfondir certains aspects abordés dans la conférence du DIF. Précisons tout d'abord qu'aucune de ces lectures n'est indispensable aux épreuves qui vous attendent, c'est donc l'envie et pas la nécessité qui doit vous guider…

*Braunstein Florence. Les arts martiaux aujourd'hui, état des lieux. 2001, Paris, L'Harmattan.

* Braunstein Florence. Penser les arts martiaux. 1999, Paris Puf.

 

 

 

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